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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


qui me désespère : il faut que je soupçonne, il faut que je cesse d’aimer celle que j’adore ! Quel état est le mien !

— Mais éclaircissez-vous encore, Monseigneur ; et si votre épouse peut se justifier, ne pourrez-vous donc pas la rappeler près de vous ?

— Pardonnera-t-elle mon erreur ? Elle me haïra, mon cher comte, je ne serai plus à ses yeux qu’un tyran… qu’un objet d’effroi : excuse-t-on les flétrissures injustes ? Et celle-là n’est-elle marquée du sceau de la plus grave iniquité ? Le désordre de mes idées est tel que je veux m’éclairer et que je crains de le faire. Quelle confusion, si elle est innocente ! Quel désespoir, si elle est coupable ! Mersbourg, éclaircis tout cela ; pars pour Torgau. Ramène-la, si elle est encore digne de moi, qu’elle suive son perfide amant au cercueil, si elle a pu m’outrager un instant.

— Monseigneur, dit le comte, que je voudrais que vous m’accordassiez un collègue pour cette importante commission !

— Et qui veux-tu que je t’adjoigne ?

— Le marquis de Thuringe, Monseigneur. Vous le chargeâtes d’aller chercher votre épouse à Brunswick ; il la ramènera de Torgau : le bonheur qui couronna sa première mission est d’un excellent augure pour la seconde ; et notre