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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


le marquis, puissent les bons principes que tu annonces te guider mieux que moi dans toutes les circonstances de ta vie !


Cependant Adélaïde abîmée dans un désespoir que ne pouvait calmer l’énergie de son âme, et conduite avec le plus grand respect par les gardes auxquels on l’avait confiée, venait d’arriver à Torgau. Parfaitement reçue du major Kreutzer qui y commandait, elle avait été aussitôt établie par la fille de cet officier dans le plus bel appartement de la tour, et cette jeune personne, que l’on nommait Bathilde, douée de toutes les qualités de l’esprit et de la figure, n’avait pas cessé de consoler Adélaïde depuis qu’elle était auprès d’elle.

— Ah ! mademoiselle, des chagrins comme les miens ne s’apaisent point : on peut trouver des remèdes à tous les autres, excepté à ceux qui ternissent la gloire et flétrissent l’amour-propre. Je regrette peu le trône où le plus injuste des époux ne m’a pas crue digne de siéger près de lui ; mais m’avilir, m’outrager, me supposer une intrigue avec un homme que je n’ai jamais connu, un homme que sa naissance éloignait autant de ma personne ! Il a mal connu ma fierté, s’il a pu me soupçonner capable d’une pareille faiblesse.