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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


sur une lettre, ou se venger en promulguant des ordres qui ne s’exécuteront peut-être jamais.

— Et quels sont ces ordres, dit Mersbourg ?

— Mais tous les commandants des châteaux frontières ont celui d’arrêter Frédéric, dès qu’il y paraîtra. J’ai le mien, comme mes collègues.

— Monsieur, dit Frédéric en se levant avec fierté, ne vous compromettez donc point en le laissant sans exécution. Je suis le prince Frédéric de Saxe, et je me rends votre prisonnier.

— Monseigneur, dit le commandant, vous ne me croyez pas capable d’abuser à ce point des lois de l’hospitalité. Vous êtes venu les réclamer chez moi ; veuillez en jouir dans toute leur étendue. Les premières vertus d’un militaire sont la franchise et la loyauté. Je serais blâmé de l’empereur lui-même si j’agissais différemment. Mais ce n’est pas le suffrage de mon maître que je réclame ici, c’est celui de mon cœur : l’exécution de ce qui m’est ordonné serait une trahison dont je rougirais toute ma vie. Voilà, mon prince, ce dont nous parlions tout à l’heure, voilà la politique en opposition avec la morale ; mais je ne m’écarterai point des lois de cette dernière : soyez donc libre et, autant que vous le voudrez, prince, je raconterai le fait à mon maître. Il est trop juste pour ne pas approuver ma conduite :