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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

Conduite par Bundorf, la princesse goûta tous les plaisirs que pouvait lui procurer la ville qu’elle adoptait. Mais un cœur vivement épris ne jouit que de l’espoir de posséder un jour ce qu’il aime ; il n’y a de vraiment intéressant pour lui que ce qui rappelle cet objet chéri. Malheureusement Louis de Thuringe n’était pas à Francfort ; il se battait contre les impériaux ; Adélaïde le savait, et les dissipations qu’on lui procurait, ne laissaient aucune trêve à ses mortelles inquiétudes.

— Ô ma chère Bathilde, disait-elle souvent à sa compagne, crois-tu que ces plaisirs dont on m’environne puissent satisfaire le cœur de celle qui adore le marquis de Thuringe ? Être privée de sa présence, ignorer quand le bonheur de le revoir me sera rendu, ne me le représenter, pendant cet intervalle, qu’au milieu des dangers que sa valeur affronte !… Qui me dit que, percé du fer d’un ennemi, celui que j’idolâtre n’est pas au rang des morts ?… Ah ! quelque glorieux que soient les lauriers qu’il moissonne, puis-je ne pas frémir en les voyant peut-être inondés de son sang !

Bathilde faisait tout ce qu’elle pouvait pour calmer la princesse mais elle n’avait pour elle, en ce moment, que la froide éloquence de l’esprit, qui ne supplée jamais à celle du cœur.