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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


de sa flamme, à quelque prix que ce pût être. Cette femme, continuait-il de se dire, est inconnue ; isolée dans Francfort, on ne saura pas plus qu’elle en est absente qu’on ne se doute qu’elle l’habite… Et qui sait d’ailleurs si ce n’est pas une aventurière ? Pas un de ses gens ne la connaît. Cette Bathilde qui l’accompagne paraît seule en possession de son secret : il faut les enlever toutes deux ; l’une me servira à connaître l’autre, ou du moins à déterminer ses caprices. Quelque chose peut-il résister à un homme tel que moi ? À quoi bon l’autorité dont les mortels nous environnent, si ce n’est à servir nos passions ?

Plein de ces idées révoltantes d’un âge que n’éclairaient encore ni les arts qui polissent les hommes, ni l’urbanité qui doit caractériser ceux qui les gouvernent, le margrave disposa tout pour s’emparer de la princesse et de son amie.

Une nuit où la beauté du temps avait retenu tout le monde dans une promenade célèbre, où les chanteurs, les trouvères, les ménestrels et les poètes égayaient le public par leurs jeux et par leurs talents, quatre hommes armés saisissent Adélaïde et Bathilde et les jettent dans une voiture que six chevaux, relayés de quatre en quatre milles, entraînent à Bade, jusqu’au sommet de la montagne sur laquelle est situé le château