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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


déchirés, ses beaux cheveux flottants sur son sein découvert, ses bras d’une blancheur éblouissante brutalement pressés par les mains velues des monstres qui l’emportent, quelques traces de sang sur le visage affreux de ces scélérats, occasionnées par les coups violents qu’ils ont reçus de celle qu’ils veulent contraindre, la projection de ce tableau dans le sombre des longs couloirs où l’on conduit cette intéressante victime…, tout prête à cette scène à demi éclairée la pâle couleur de l’anéantissement. Il semble que ce soit un corps enlevé aux faisceaux de lumière qui l’entourent et qu’on plonge insensiblement dans l’obscurité des tombeaux.

C’est dans une chambre privée de jour que la malheureuse est placée. Elle y est seule ; on l’y enferme… Grand Dieu ! quel moment pour elle ! C’est celui de la destruction totale de nos facultés, celui où le fil de nos jours prêt à se rompre, paralysant tous nos sens, ne laisse plus arriver à l’âme que ce mot affreux : tu n’es plus…

Adélaïde parcourt ce local ; ses premiers pas la font porter sur une trappe qui, s’enfonçant avec rapidité, la laisse au milieu de la chambre à coucher de son persécuteur. Plusieurs bougies éclairaient cet appartement dont le maître lui offre la main pour l’approcher du lit qu’il veut lui faire partager.