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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


promis, madame, c’est le triomphe de la vertu. Notre patrie gémit sous les fers, il faut la délivrer. Mon oncle le doge, qui gouverne aujourd’hui, consent à prendre seul les rênes de l’État si on le débarrasse des membres du conseil oppresseur, tyran de la patrie. Tous doivent périr demain, et c’est sur leurs cendres que ma famille s’élève. Contarino, qui commence la dynastie des doges souverains, me laisse après lui le sceptre : je vous l’offre, madame, et vous régnerez avec moi.

— Je ne veux ni régner, ni faire couler le sang de vos ennemis, monsieur ; je ne m’engage ici ni à l’une ni à l’autre de ces deux choses ; mais je garderai votre secret, jamais il ne sera trahi par moi, je vous le jure encore. Je me repens du faible et impardonnable motif qui m’a fait désirer de tout savoir ; la plus extrême discrétion réparera cette faute, c’est tout ce que je promets.

— Et cette amitié si précieuse pour moi, si capable de me dédommager de tout ce que vous me faites perdre.

— Je vous l’accorde ; mais, mon cher Antoine, permettez-moi de vous le dire, vous êtes bien coupable pour en être digne.

— Coupable ?

— Assurément vous l’êtes. Quel que soit un gouvernement, bon ou mauvais, il est à la fois