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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


tuaire du Très-Haut pouvait à peine contenir celles qui devaient y prier. Une boiserie brune l’entourait ; au fond de la basilique se voyait un autel simple mais convenablement décoré, au pied duquel était un tombeau de marbre noir où se voyait un sceptre entrelacé de serpents.

— Qui repose là ? demande Adélaïde avec une sorte de frémissement qu’elle ne put contenir.

— Une princesse de Saxe qui régnait il y a cent ans, répondit le Père Urbain. Ses crimes produisirent enfin des remords dont sa pénitence fut le fruit : elle vint mourir en cette abbaye, après avoir donné elle-même le plan de son tombeau. Voyez ce sceptre, madame, les serpents qui l’entourent prouvent d’une manière bien forte que l’infortune suit l’homme au faîte même des grandeurs. Vous qui vivez dans le monde, vous avez dû entendre parler de cette princesse ?

— Oui, mon Père, dit Adélaïde fort troublée ; mais les malheurs qu’elle éprouva ne furent pas ceux du sceptre, ils n’émanèrent que de sa conduite.

— Cela est vrai, dit Urbain ; mais cette conduite ne fut mauvaise que par l’abus qu’elle fit du sceptre : il est donc des malheurs attachés au suprême rang, et l’emblème qu’elle imagina fut donc juste.