éprouver la mort de ce fils chéri !… De ce moment,
je me vouai à la retraite la plus absolue. Il fallait
un ecclésiastique dans cette maison ; j’avais avec
l’abbesse quelque alliance du côté de ma femme :
elle m’obtint la place que je sollicitais, et depuis
la mort de mon enfant, n’ayant plus que Dieu
pour objet, je consacrai mes jours à le servir.
Au moyen des instructions que les âmes pieuses
qui habitent cette thébaïde veulent bien recevoir
de moi, en fortifiant les autres, je me fortifie
moi-même dans les principes que le monde ne
fait que trop souvent oublier. Vous concevez,
d’après cela, princesse, si je dois connaître l’épouse
de mon maître, et de quel prix est pour moi le
bonheur de m’humilier aujourd’hui devant elle :
car, vous n’avez aucune part, madame, au
meurtre de mon fils, je le sais. Ce fut par une
atroce méchanceté qu’on le fit trouver à un
rendez-vous que vous étiez loin de lui avoir
accordé, puisque vous ne le connaissiez même
pas. Hélas ! tout vient de la même source, et le
poison qui termina les jours de ma femme et le
poignard qui trancha ceux de mon fils… tout,
madame, tout, je vous le répète, est dirigé par
la même main. J’eus longtemps le désir de la
connaître ; une juste vengeance légitimait cette
curiosité… La religion me le défend, et je veux
Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/371
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
351
ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK