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Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/414

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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


et ténébreux s’élancent du sépulcre une dernière fois vers l’Éternel pour lui adresser ces mots sacrés du prophète : « C’est du fond des abîmes que nous élevons nos voix vers le Seigneur… Seigneur, écoutez-nous, écoutez-nous, et voyez nos larmes. »

Après ce verset, les religieuses se lèvent, et les mains croisées sur leur poitrine, elles prêtent la plus grande attention à ce qu’Adélaïde va prononcer.

— Vous qui m’écoutez, saintes filles, leur dit-elle, vous dont la place est déjà marquée dans les cieux, ne regrettez pas la promesse que vous avez faite de vous détacher à jamais d’un monde où l’homme ne peut vivre qu’au milieu des pièges qui l’entraînent journellement à sa perte ; veuillez déplorer en moi la malheureuse victime de ces pièges. Aurais-je couru tous les dangers qui viennent de semer d’épines la carrière de ma vie, si, dès mes tendres années, je fusse venue partager vos travaux et vos prières ? Et qu’ai-je trouvé parmi ces hommes pervers ? des mensonges et des perfidies, des trahisons et des forfaits, des inquiétudes et des peines, près de quelques instants de plaisir dont l’aurore ne parut jamais que pour mieux éclairer l’abîme où leurs mains trompeuses me plongeaient. Ah ! chères sœurs, la facilité de