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CAHIERS PERSONNELS


scélérat ? Tous mes caractères ont cette teinte ; je ne me suis jamais écarté de ce principe. Cependant, je le répète, tout le contraire se voit dans Justine. Il n’est donc pas vrai que Justine soit de moi. Je dis plus : il est impossible qu’elle en soit. C’est ce que je viens de démontrer.

J’ajouterai ici quelque chose de plus fort : c’est qu’il est très singulier que toute la tourbe dévotieuse, tous les Geoffroy, les Genlis, les Legouvé, les Chateaubriand, les La Harpe, les Luce de Lancival, les Villeterque, que tous ces braves suppôts de la tonsure se soient déchaînés contre Justine, tandis que ce livre leur donnait précisément gain de cause. Ils eussent payé pour avoir un ouvrage aussi bien fait que celui-là pour dénigrer la philosophie, qu’ils ne fussent point parvenus à l’avoir. Et je jure sur tout ce que j’ai de plus sacré au monde que je ne me pardonnerais jamais d’avoir servi des individus si prodigieusement méprisés de moi.

On a donc le plus grand tort du monde de m’attribuer un livre… un livre contre tous mes principes et dont tout prouve que je ne puis être l’auteur, et plus encore, de faire autant de bruit pour un ouvrage qui n’est, à le bien prendre, que le dernier excès d’une imagination corrompue, des délires de laquelle on irrite imbécilement toutes les têtes en l’exaltant comme on le fait.