Page:Sade - Dorci, ou la Bizarrerie du sort, 1881.djvu/18

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inexpliquée, ne prévalut jamais, pour lui, sur celui de marquis que l’usage lui a conservé. Il se jeta alors dans de furieuses débauches avec des roués, des hommes de lettres, des laquais et des merlans. Cela est ignoble, mais n’a rien de particulier.

Le premier acte, rendu public, qui révèle une aberration caractéristique du sens moral chez cet homme, date du 3 avril 1768. Ce jour-là, tandis que deux filles raccolées par son valet de chambre l’attendaient dans sa petite maison d’Arcueil, il rencontra à Paris une femme du peuple nommée Rose Keller, à qui il offrit à souper et qui ne se fit pas prier. Quand il entra avec elle dans la maison, les deux filles étaient à table, couronnées de roses selon la mode grecque, remise en honneur par l’abbé Barthélemy. Mais, au lieu de la faire asseoir au banquet, il la poussa dans un grenier avec l’aide de son valet, la mit nue, la lia, la fouetta au sang, et redescendit souper avec les deux créatures. Il était jour quand Rose Keller, folle de terreur, parvint à rompre ses liens et se jeta par la lucarne dans la rue où elle tomba nue, bleue de coups et ensanglantée