Page:Sade - Dorci, ou la Bizarrerie du sort, 1881.djvu/21

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rendre le même amour dont il s’était cru digne avant de contracter un mariage détesté. Il reconnut, à l’effet de ses paroles[1], que la jeune fille l’aimait encore, et il résolut de l’enlever. Dans le courant de juin, il se rendit à Marseille avec le domestique qui l’assistait dans ses débauches. Pourvu de pastilles de chocolat dans la composition desquelles entrait une forte dose de cantharides, il se rendit dans une maison publique où il prodigua aux filles les vins, les liqueurs et les pastilles. Ces créatures, ainsi excitées et empoisonnées, s’agitèrent avec une telle frénésie et poussèrent de tels cris que la foule s’ameuta autour de la maison. Une malheureuse, devenue tout à fait folle, se jeta par la fenêtre. Sade et son valet s’étaient enfuis, mais le parlement d’Aix fut saisi de cette affaire scandaleuse. Deux filles moururent des blessures qu’elles s’étaient faites pendant l’accès déter-

  1. Ces paroles sont citées par M. Paul Lacroix (loc. cit.), sur la foi des témoignages qu’il invoque en ces termes : « J’ai souvent interrogé des personnes respectables, dont quelques-unes vivent encore, plus qu’octogénaires (1837) ; je leur ai demandé avec une indiscrète curiosité d’étranges révélations sur le marquis de Sade… »