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ISABELLE DE BAVIÈRE


étaient trop près des temps dont ils écrivaient l’histoire, au lieu que nous ne révélons les faits que nous avons découverts, que parce que ceux qui vivaient alors ne les avaient ni vus ni peut-être pu voir.

Le siècle écrit, la postérité juge, et si celle-ci veut écrire encore, elle est bien plus vraie que le contemporain. Car, dégagée de toute espèce d’intérêt, elle a pesé les faits dans la balance de la vérité, et l’autre ne nous les transmet que dans celle de ses passions…

Mais venons au fait ; il est temps. L’histoire du règne de Charles VI, l’un des plus intéressants de notre histoire, est aussi l’un des plus négligés ; rien ne s’y voit, rien ne s’y démêle, aucune cause n’est révélée, une quantité de ressorts sont mus, sans que personne ait pris la peine de fixer nos yeux sur la main qui les faisait mouvoir. Cette négligence, si l’on veut bien y faire attention, rapproche tellement de la fable ce règne extraordinaire, qu’il perd absolument le sublime intérêt qu’il devrait inspirer. Mille invectives sont lancées contre la reine Isabelle, sans qu’on ait à peine pris le soin de nous dire à quel titre cette femme étonnante pouvait les mériter. Le peu de connaissance qu’on avait d’elle la faisait même regarder comme un personnage épisodique, et cela, dans une histoire où elle seule joue le premier rôle : on se contente de l’insulter, de la traiter tour à tour de méchante, d’incestueuse, d’immorale, d’adultère, de marâtre, de vindicative, d’empoisonneuse, d’infan-