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ISABELLE DE BAVIÈRE


éclipsé par la vapeur du sang refuse sa lumière à ces scènes d’infamie, dont les démons même seraient effrayés.

Tous les quartiers de la ville s’ensanglantent également, celui qui veut se venger d’un ennemi n’a qu’à le désigner sous le nom d’Armagnac, un poignard l’en défait aussitôt. Les corps du connétable et du chancelier furent attachés à des câbles et traînés dans la boue ; on découpa leur chair pour en composer des écharpes, puis les cannibales, ornés de ces bandelettes sanglantes, couraient les rues, armés de couteaux dont ils entrouvraient le flanc des femmes enceintes, osant dire en voyant leurs fruits : Regardez donc ces petits chiens qui vivent encore[1].

Les chefs bourguignons, témoins de ces horreurs, les excitaient du geste et de la voix :

« Courage, mes amis, criaient-ils à ces tigres, aucune grâce aux Armagnacs ; ils ne vous épargneraient pas s’ils étaient à votre place : massacrez-les donc, vous ne leur faites ici que ce qu’ils vous feraient eux-mêmes. »

Le pillage fut immense, il dura trois jours, comme les meurtres. On voyait sur le corps de ces égorgeurs, de leurs épouses ou de leurs filles, les

  1. Voyez Villaret, t. 13.