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ÉMILIE DE TOURVILLE
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bourreaux qui vont me faire mourir chaque jour en détail… et mourir sans être justifiée par toi… mourir méprisée de tout ce que j’adore, quand je ne l’ai jamais offensé volontairement, quand je n’ai jamais été que dupe et victime, oh non, non, cette situation est trop cruelle, il est au-dessus de mes forces de la soutenir ! Et me jetant en larmes aux pieds de mes frères, je les suppliai ou de m’entendre, ou d’achever d’écouler mon sang goutte à goutte et de me faire mourir à l’instant.

Ils consentirent à m’écouter, je leur racontai mon histoire, mais ils avaient envie de me perdre, et ils ne me crurent pas, ils ne me traitèrent que plus mal ; après m’avoir enfin accablée d’invectives, après avoir recommandé aux deux femmes d’exécuter de point en point leur ordre sous peine de la vie, ils me quittèrent, en m’assurant froidement qu’ils espéraient ne me revoir jamais.

Dès qu’ils furent partis, mes deux gardiennes me laissèrent du pain, de l’eau, et m’enfermèrent, mais j’étais seule au moins, je pouvais me livrer à l’excès de mon désespoir, et je me trouvais moins malheureuse. Les premiers mouvements de mon désespoir me portèrent à débander mes bras, et à me laisser mourir en achevant de