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LE PRÉSIDENT MYSTIFIÉ
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qui nous oblige à des égards, nous ressemblons en tout au reste des mortels. Eh, comment pourriez-vous nous croire à l’abri de leurs vices ? Nos passions bien plus échauffées par le récit ou le tableau perpétuel des leurs, ne mettent de différence entre eux et nous que par les excès qu’ils méconnaissent et qui font nos délices journalières ; presque toujours à l’abri des lois dont nous faisons frémir les autres, cette impunité nous enflamme et nous n’en devenons que plus scélérats…

Lucile écoutait toutes ces futilités et quelque horreur que lui inspirassent et le physique et le moral de cet abominable personnage, elle continuait de lui offrir des facilités, parce que la récompense qui lui était promise n’était qu’à ces conditions. Plus les amours du président avançaient, plus sa fatuité le rendait insoutenable : il n’y a rien de plaisant dans le monde comme un robin amoureux, c’est le tableau le plus achevé de la gaucherie, de l’impertinence et de la maladresse. Si le lecteur a quelquefois vu le dindon prêt à multiplier son espèce, il a de l’esquisse qu’on voudrait lui offrir la plus complète des idées. Telles précautions qu’il prît pour se déguiser un jour que son insolence le mettait pourtant trop à découvert, le marquis voulut