Un jour, à 5 heures du soir, allant m’enfermer
dans un cabinet de fleurs au bout de mon jardin
pour lui tenir parole, bien sûre qu’aucun des
animaux de cette espèce ne pouvait être entré
dans mon jardin, j’aperçus subitement à mes
pieds cette bête charmante dont vous me voyez
idolâtre. Je voulus fuir, le serpent s’étendit au-devant
de moi, il avait l’air de me demander
grâce, il avait l’air de me jurer qu’il était bien
loin d’avoir envie de me faire mal ; je m’arrête,
je considère cet animal ; me voyant tranquille,
il s’approche, il fait cent voltes à mes pieds plus
lestes les unes que les autres, je ne puis m’empêcher
de porter ma main sur lui, il y passe délicatement
sa tête, je le prends, j’ose le mettre sur
mes genoux, il s’y blottit et paraît y dormir. Un
trouble inquiet me saisit… Des larmes coulent
malgré moi de mes yeux et vont inonder cette
charmante bête… Éveillé par ma douleur, il me
considère… il gémit… il ose élever sa tête auprès
de mon sein… il le caresse… et retombe anéanti…
Oh, juste ciel, c’en est fait, m’écriai-je, et mon
amant est mort ! Je quitte ce lieu funeste, emportant
avec moi ce serpent auquel un sentiment
caché semble me lier comme malgré moi…
Fatals avertissements d’une voix inconnue dont
vous interpréterez comme il vous plaira les
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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX