il se déclare frère aîné de Mme de Telême, il est
protégé, il a des amis, et la fortune de M. de
Telême, presque entièrement fondée sur la dot de
sa femme, disparaissant en une minute, réduit à
l’adversité la plus affreuse l’une des plus brillantes
maisons de la province. Rien de plus aisé
pourtant que de revenir contre un arrêt aussi
injuste, il ne s’agissait que de paraître et de
solliciter ; Mme de Telême avait eu effectivement
un frère autrefois, mais ce frère, très certainement
tué dans un duel, ne pouvait assurément
reparaître. L’imposteur soutenait bien l’histoire
du duel, mais il assurait n’avoir été que blessé,
il prouvait que pour se mettre à l’abri de la
rigueur des lois, il s’était absenté quelques années
et qu’apprenant enfin la mort de son père, il
avait reparu pour en recueillir la succession ;
cette fable était absurde, elle n’avait eu pour
s’accréditer un instant que quelques sommes et
beaucoup d’effronterie. Que faire pourtant dans
une si cruelle circonstance ? M. de Telême ne
balança pas, il réunit tout ce qu’il put trouver
d’argent, et décida sa femme à aller elle-même
à Paris plaider cette importante affaire en l’assurant
que rien ne déterminait des juges dans ce
pays-là comme les sollicitations d’une jolie
femme. Cette jeune personne timide et novice
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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX