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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


peu après sa bénigne épouse vient se présenter pour souper à ses chastes flancs. — Un moment, mignonne, dit le bourgeois furieux, depuis mon enfance j’ai juré à mon père de ne jamais souper avec des putains. — Avec des putains, répond bénignement Mme  d’Esclaponville, mon ami, ce propos m’étonne, qu’avez-vous donc à me reprocher ? — Comment, carogne, ce que j’ai à vous reprocher, qu’est-ce que vous avez été faire cet après-midi aux bains avec notre vicaire. — Oh mon Dieu, répond la douce femme, ce n’est que ça, mon fils, ce n’est que ça que tu as à me dire. — Comment, ventrebleu, ce n’est que cela… — Mais, mon ami, j’ai suivi vos conseils, ne m’avez-vous pas dit qu’on ne risquait rien en couchant avec des gens d’église, qu’on épurait son âme dans une si sainte intrigue, que c’était s’identifier à l’Être suprême, faire entrer l’Esprit saint dans soi et s’ouvrir en un mot la route de la béatitude céleste… eh bien, mon fils, je n’ai fait que ce que vous m’avez dit, je suis donc une sainte et non pas une catin ! Ah ! je vous réponds que si quelqu’une de ces bonnes âmes de Dieu a le moyen d’ouvrir, comme vous dites, la route de la béatitude céleste, c’est certainement M. le vicaire, car je n’ai jamais vu une aussi grosse clef.