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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


malheureux Raneville que vous avez traité si mal à Orléans… c’est moi-même, monsieur ; vous voyez que je vous le rends à Paris ; au reste, vous voilà bien plus avancé que vous ne le croyiez, vous vous imaginiez n’avoir fait cocu que moi et vous venez de vous le faire vous-même.

Dutour sentit la leçon, il tendit la main à son ami, et convint qu’il n’avait que ce qu’il méritait. — Mais cette perfide… — Eh bien, ne vous imite-t-elle pas, quelle est la loi barbare qui enchaîne inhumainement ce sexe en nous accordant à nous toute liberté, est-elle équitable ? et par quel droit de la nature enfermerez-vous votre femme à Sainte-Aure, pendant qu’à Paris et à Orléans vous faites des époux cocus ? Mon ami, cela n’est pas juste, cette charmante créature dont vous n’avez pas su connaître le prix, est venue chercher d’autres conquêtes : elle a eu raison, elle m’a trouvé ; je fais son bonheur, faites celui de Mme  de Raneville, j’y consens, vivons tous les quatre heureux, et que les victimes du sort ne deviennent pas celles des hommes. Dutour trouva que son ami avait raison, mais par une fatalité inconcevable, il redevint amoureux comme un fou de son épouse ; Raneville, tout caustique qu’il était, avait l’âme trop