heures du soir, et de cinq et demie à sept arrivait
Dolbreuse, jeune négociant de la plus jolie
figure qu’il fût possible de voir. Il était impossible
de fixer d’autres instants, c’était les seuls où
Mme Dolmène fût tranquille : le matin il fallait
être à la boutique, le soir il fallait quelquefois y
paraître de même, ou bien le mari revenait, et il
fallait parler de ses affaires. D’ailleurs Mme Dolmène
avait confié à une de ses amies qu’elle
aimait assez que les instants de plaisirs se succédassent
ainsi de fort près : les feux de l’imagination
ne s’éteignaient pas, prétendait-elle, de
cette manière, rien de si doux que de passer d’un
plaisir à l’autre, on n’avait pas la peine de se
remettre en train ; car Mme Dolmène était une
charmante créature qui calculait au mieux toutes
les sensations de l’amour, fort peu de femmes les
analysaient comme elle et c’était en raison de ses
talents qu’elle avait reconnu que, toute réflexion
faite, deux amants valaient beaucoup mieux
qu’un ; relativement à la réputation cela devenait
presque égal, l’un couvrait l’autre, on pouvait
se tromper, ce pouvait être toujours le même
qui allait et revenait plusieurs fois dans le jour,
et relativement au plaisir quelle différence !
Madame Dolmène qui craignait singulièrement
les grossesses, bien sûre que son mari ne ferait
Page:Sade - Historiettes contes et fabliaux, 1926.djvu/277
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
IL Y A PLACE POUR DEUX
259