de belle femme à Paris à laquelle on ne l’eût
préférée. Mais Mme de Sernenval, avec tant
d’attraits dans le physique, avait un défaut
capital dans l’esprit… une pruderie insoutenable,
une dévotion excédante, et une sorte de pudeur
si ridiculement excessive qu’il était impossible à
son mari de pouvoir la décider à paraître dans
ses sociétés. Poussant le bigotisme à l’extrême,
il était très rare que Mme de Sernenval voulût
passer une nuit entière avec son mari, et dans
les moments même qu’elle daignait lui accorder,
c’était toujours avec d’excessives réserves, une
chemise qu’on ne relevait jamais. Une œillère
artistement pratiquée au portique du temple de
l’hymen n’en permettait l’entrée qu’aux clauses
expresses d’aucun attouchement déshonnête, et
d’aucune conjonction charnelle ; on aurait mis
Mme de Sernenval en fureur, si l’on avait voulu
franchir les bornes qu’imposait sa modestie, et
le mari qui l’eût essayé, eût peut-être couru les
risques de ne plus recouvrer les bonnes grâces
de cette sage et vertueuse femelle. M. de Sernenval
riait de toutes ces mômeries, mais
comme il adorait sa femme, il daignait respecter
ses faiblesses ; quelquefois cependant il
essayait de la prêcher, il lui prouvait de la
façon la plus claire que ce n’est pas en passant
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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX