Page:Sade - Historiettes contes et fabliaux, 1926.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA PRUDE OU LA RENCONTRE IMPRÉVUE
57


devoirs plus essentiels à remplir. L’heure sonne, nos deux amis arrivent chez leur charmante entremetteuse, un boudoir où ne règne qu’un jour sombre et voluptueux, renferme la déesse où Desportes va sacrifier. Heureux enfant de l’amour, lui dit Sernenval en le poussant dans le sanctuaire, vole dans les bras voluptueux que l’on étend vers toi, et viens seulement après me rendre compte de tes plaisirs ; je me réjouirai de ton bonheur, et ma joie sera d’autant plus pure que je n’en serai nullement jaloux. Notre catéchumène s’introduit, trois heures entières suffisent à peine à son hommage, il revient enfin assurer son ami que de ses jours il ne vit rien de pareil et que la mère même des amours ne lui aurait pas donné tant de plaisirs.

Elle est donc délicieuse, dit Sernenval à demi enflammé. — Délicieuse ? ah je ne trouverais pas d’expression qui puisse te rendre ce qu’elle est, et dans cet instant-ci même où l’illusion doit être anéantie, je sens qu’il n’est aucun pinceau qui puisse peindre les torrents des délices dans lesquelles elle m’a plongé. Elle joint aux grâces qu’elle a reçues de la nature, un art si sensuel à les faire valoir, elle sait mettre un sel, un piquant si réel dans sa jouissance que j’en suis encore dans l’ivresse… Oh mon ami, tâtes-en, je t’en