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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


de chambre, porte cette pauvre demoiselle dans la chaise, et l’on part.

À peine cette intéressante personne se vit-elle en sûreté, qu’elle voulut balbutier quelques expressions de reconnaissance, mais le comte la suppliant de ne point parler, lui dit : Demain, mademoiselle, demain vous m’apprendrez, j’espère, tout ce qui vous concerne, mais aujourd’hui, par l’autorité que me donnent sur vous et mon âge et le bonheur que j’ai eu de vous être utile, je vous demande avec instance de ne penser qu’à vous calmer. On arrive ; pour éviter l’éclat, le comte fait envelopper sa protégée d’un manteau d’homme et la fait conduire par son valet de chambre dans un appartement commode à l’extrémité de son hôtel, où il la vient voir, dès qu’il a reçu les embrassements de sa femme et de son fils qui l’attendaient l’un et l’autre à souper ce soir-là.

Le comte, en venant voir sa malade, amenait avec lui un chirurgien ; la jeune personne est visitée, on la trouve dans un abattement inexprimable, la pâleur de son teint semblait presque annoncer qu’il lui restait à peine quelques instants à vivre, cependant elle n’avait aucune blessure ; à l’égard de sa faiblesse, elle venait, dit-elle, de l’énorme quantité de sang qu’elle perdait jour-