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Page:Sade - Historiettes contes et fabliaux, 1926.djvu/90

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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX

Un an se passa dans cette funeste illusion, monsieur, je venais d’atteindre ma dix-septième année ; mon père me parlait chaque jour d’un établissement, et vous jugez si je frémissais de ces propositions, lorsqu’une fatale aventure vint enfin me précipiter dans l’abîme éternel où je me suis plongée. Triste permission de la Providence sans doute, qui a voulu qu’une chose où je n’avais aucun tort fût celle qui dût servir à me punir de mes fautes réelles, afin de faire voir que nous ne lui échappons jamais, qu’elle suit partout celui qui s’égare, et que c’est de l’événement qu’il soupçonne le moins, qu’elle fait naître insensiblement celui qui doit servir à la venger.

M. de … m’avait prévenue un jour que quelque affaire indispensable le priverait du plaisir de m’entretenir les trois heures entières que nous avions coutume d’être ensemble, qu’il viendrait pourtant quelques minutes avant la fin de notre rendez-vous, encore que pour ne rien déranger à notre marche ordinaire, je vinsse toujours passer chez la Berceil le temps que j’avais coutume d’y être, qu’au fait, pour une heure pu deux, je m’amuserais toujours plus avec cette marchande et ses filles que je ne ferais toute seule chez mon père ; je croyais être assez