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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/109

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quel on a la ſottiſe de le tenir, ne lui ôte pas le droit de bien raiſonner.

Si toutes les productions de la Nature ſont des effets réſultatifs des loix qui la captivent ; ſi ſon action & ſa réaction perpétuelles ſuppoſent le mouvement néceſſaire à ſon eſſence, que devient le ſouverain maître que lui prêtent gratuitement les ſots ? Voilà ce que te diſoit ce ſage inſtituteur, chère fille. Que ſont donc les Religions d’après cela, ſinon le frein dont la tyrannie du plus fort voulut captiver le plus faible ? Rempli de ce deſſein, il oſa dire à celui qu’il prétendait dominer, qu’un Dieu forgeait les fers dont ſa cruauté l’entourait ; & celui-ci abruti par ſa misere, crut indiſtinctement tout ce que voulut l’autre. Les Religions nées de ces fourberies, peuvent-elles donc mériter quelque reſpect ? En eſt-il une ſeule, Théreſe, qui ne porte l’emblême de l’impoſture, & de la ſtupidité ? Que vois-je dans toutes ? Des myſtères qui font frémir la raiſon, des dogmes outrageant la Nature, & des cérémonies groteſques qui n’inſpirent que la dériſion & le dégoût. Mais ſi de toutes, une mérite plus particulièrement notre mépris & notre haine, ô Théreſe, n’eſt-ce pas cette loi barbare du Chriſtianisme dans laquelle nous ſommes tous deux nés ? En eſt-il une plus odieuſe ?… une qui ſoulève autant & le cœur & l’eſprit ? Comment des hommes raiſonnables peuvent-ils encore ajouter quel-