Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/119

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jour, ſans qu’une ſeule loi de la Nature en ſoit un inſtant affectée, que dis-je ? ſans que ce tranſmutateur ait fait autre choſe qu’un bien, puiſqu’en décompoſant des individus dont les baſes redeviennent néceſſaires à la Nature, il ne fait que lui rendre par cette action, improprement qualifiée de criminelle, l’énergie créatrice dont la prive néceſſairement celui qui, par une ſtupide indifférence, n’oſe entreprendre aucun bouleverſement. Ô Théreſe, c’eſt le ſeul orgueil de l’homme qui érigea le meurtre en crime. Cette vaine créature s’imaginant être la plus ſublime du Globe, ſe croyant la plus eſſentielle, partit de ce faux principe pour aſſurer que l’action qui la détruiſait ne pouvait qu’être infâme ; mais ſa vanité, ſa démence ne change rien aux loix de la Nature ; il n’y a point d’être qui n’éprouve au fond de ſon cœur, le déſir le plus véhément d’être défait de ceux qui le gênent, ou dont la mort peut lui apporter du profit ; & de ce déſir à l’effet, t’imagines-tu, Théreſe, que la différence ſoit bien grande ? Or, ſi ces impreſſions nous viennent de la Nature, eſt-il préſumable qu’elles l’irritent ? Nous inſpirerait-elle ce qui la dégraderait ? Ah, tranquilliſe-toi, chere fille, nous n’éprouvons rien qui ne lui ſerve ; tous les mouvemens qu’elle place en nous, ſont les organes de ſes loix ; les paſſions de l’homme ne ſont que les moyens qu’elle employe pour parvenir à ſes deſſeins. A-t-elle

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