Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/128

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chet ; d’accourir à ſa terre la délivrer le plutôt poſſible du ſcélérat qui conſpirait auſſi cruellement contre ſes jours.

Mais cet abominable crime devait ſe conſommer ; il fallut que par une inconcevable permiſſion du Ciel la vertu cédât aux efforts de la ſcélérateſſe ; l’animal ſur lequel nous avions fait notre expérience, découvrit tout au Comte ; il l’entendit hurler ; ſachant que ce chien était chéri de ſa tante, il demanda ce qu’on lui avait fait ; ceux à qui il s’adreſſa ignorant tout, ne lui répondirent rien de clair ; de ce moment il forma des ſoupçons ; il ne dit mot, mais je le vis troublé ; je fis part de ſon état à la Marquiſe, elle s’en inquiéta davantage, ſans pouvoir néanmoins imaginer autre choſe que de preſſer le courier, & de mieux cacher encore, s’il était poſſible, l’objet de ſa miſſion. Elle dit à ſon neveu, qu’elle envoyait en diligence à Paris prier le Duc de Sonzeval de ſe mettre ſur-le-champ à la tête de la ſucceſſion, de l’oncle dont on venait d’hériter, parce que ſi perſonne ne paraiſſait, il y avait des procès à craindre ; elle ajouta, qu’elle engageait le Duc à venir lui rendre compte de tout, afin qu’elle ſe décidât à partir elle-même avec ſon neveu, ſi l’affaire l’exigeait. Le Comte trop bon phyſionomiſte pour ne pas voir de l’embarras ſur le viſage de ſa tante, pour ne pas obſerver un peu de confuſion dans le mien, ſe paya de tout & n’en fut que mieux ſur ſes gardes.

Sous