Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/132

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engagé à les détourner. Qu’as-tu fait par ta fauſſeté, indigne créature, continua-t-il ? Tu as riſqué tes jours ſans conſerver ceux de ma tante : le coup eſt fait, mon retour au château m’en offrira les fruits, mais il faut que tu périſſes, il faut que tu apprennes avant d’expirer, que la route de la vertu n’eſt pas toujours la plus sûre, & qu’il y a des circonſtances dans le monde où la complicité d’un crime eſt préférable à ſa délation. Et ſans me donner le temps de répondre, ſans témoigner la moindre pitié pour l’état cruel où j’étais, il me traîne vers l’arbre qui m’était deſtiné & où attendait ſon favori ; la voilà, lui dit-il, celle qui a voulu empoiſonner ma tante, & qui peut-être a déjà commis ce crime affreux, malgré mes ſoins pour le prévenir ; j’aurais mieux fait ſans doute de la remettre entre les mains de la Juſtice, mais elle y aurait perdu la vie, & je veux la lui laiſſer pour qu’elle ait plus longtemps à ſouffrir.

Alors les deux ſcélérats s’emparent de moi, ils me mettent nue dans un inſtant ; les belles feſſes, diſait le Comte avec le ton de la plus cruelle ironie & touchant ces objets avec brutalité, les ſuperbes chairs… l’excellent déjeûner pour mes dogues. Dès qu’il ne me reſte plus aucun vêtement, on me lie à l’arbre par une corde qui prend le long de mes reins, me laiſſant les bras libres pour que je puiſſe me défendre de mon mieux, & par l’aiſance qu’on laiſſe à la corde je puis