Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/151

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des reins aux talons : notre correcteur furieux de n’avoir pas eu aſſez de force pour ſe contenir au moins juſqu’à la fin, détache l’enfant avec humeur, & le renvoye dans la claſſe en l’aſſurant qu’il n’y perdra rien ; voilà les propos que j’entendis, voilà les tableaux qui me frapperent.

Oh ! Ciel, dis-je à Roſalie quand ces affreuſes ſcènes furent terminées, comment peut-on ſe livrer à de tels excès ? Comment peut-on trouver des plaiſirs dans les tourmens que l’on inflige. Ah ! tu ne ſais pas tout, me répond Roſalie, écoute, me dit-elle en repaſſant dans ſa chambre avec moi, ce que tu as vu a pu te faire comprendre que lorſque mon pere trouve quelques facilités dans ces jeunes éleves, il porte ſes horreurs bien plus loin, il abuſe des jeunes filles de la même manière que des jeunes garçons ; de cette criminelle manière, me fit entendre Roſalie, dont j’avais moi-même penſé devenir la victime avec le chef des brigands, entre les mains duquel j’étais tombée après mon évaſion de la Conciergerie, & dont j’avais été ſouillée par le Négociant de Lyon ; par ce moyen, pourſuivit cette jeune perſonne, les filles ne ſont point déshonorées, point de groſſeſſes à craindre, & rien ne les empêche de trouver des époux ; il n’y a pas d’années qu’il ne corrompe ainſi preſque tous les garçons, & au moins la moitié des autres enfans. Sur les quatorze filles que tu as vues, huit ſont déjà flétries de cette ma-

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