Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/169

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maltraiter en cent façons différentes ; que définitivement, après quatre ou cinq heures de cette ſéance, Rodin lui avait dit qu’il allait l’envoyer à la campagne chez une de ſes parentes, mais qu’il fallait partir tout-de-ſuite & ſans parler à Théreſe, pour des raiſons qu’il lui expliquerait le lendemain lui-même dans cette campagne où il irait auſſitôt la rejoindre. Il avait fait entendre à Roſalie qu’il s’agiſſait d’un mariage pour elle, & que c’était en raiſon de cela que ſon ami Rombeau l’avait examinée, afin de voir ſi elle était en état de devenir mere. Roſalie était effectivement partie ſous la conduite d’une vieille femme ; elle avait traverſé le bourg, dit adieu en paſſant à pluſieurs connaiſſances ; mais auſſitôt que la nuit était venue, ſa conductrice l’avait ramenée dans la maiſon de ſon pere où elle était rentrée à minuit. Rodin, qui l’attendait, l’avait ſaiſie, lui avait intercepté de ſa main l’organe de la voix, & l’avait, ſans dire un mot, plongée dans cette cave, où on l’avait d’ailleurs aſſez bien nourrie. & ſoignée depuis qu’elle y était.

Je crains tout, ajouta cette pauvre fille ; la conduite de mon pere envers moi depuis ce temps, ſes diſcours, ce qui a précédé l’examen de Rombeau, tout, Théreſe, tout prouve que ces monſtres vont me faire ſervir à quelques-unes de leurs expériences, & c’en eſt fait de ta pauvre Roſalie, — Après les larmes qui coulerent abon-