il en uſa, & adreſſa une déclaration publique
à tous les Ordres de ſon empire, par laquelle il
diſait que, d’après les loix divines et humaines,
un pere avait le droit entier & abſolu de juger
ſes enfans à mort, ſans appel & ſans prendre l’avis
de qui que ce fût. Il n’y a que dans notre
France barbare où une fauſſe & ridicule pitié crut
devoir enchaîner ce droit. Non, pourſuivit
Rodin avec chaleur, non, mon ami, je ne comprendrai
jamais qu’un pere qui voulut bien donner
la vie, ne ſoit pas libre de donner la mort.
C’eſt le prix ridicule que nous attachons à cette
vie, qui nous fait éternellement déraiſonner ſur
le genre d’action qui engage un homme à ſe délivrer
de ſon ſemblable. Croyant que l’exiſtence
eſt le plus grand des biens, nous nous imaginons
ſtupidement faire un crime en ſouſtrayant ceux
qui en jouiſſent ; mais la ceſſation de cette exiſtence,
ou du moins ce qui la ſuit, n’eſt pas
plus un mal que la vie n’eſt un bien ; ou plutôt
ſi rien ne meurt, ſi rien ne ſe détruit, ſi rien
ne ſe perd dans la Nature, ſi toutes les parties
décompoſées d’un corps quelconque n’attendent
que la diſſolution, pour reparaître auſſitôt ſous
des formes nouvelles, quelle indifférence n’y aura-t-il
pas dans l’action du meurtre, & comment
oſera-t-on y trouver du mal ? Ne dût-il donc s’agir
ici que de ma ſeule fantaiſie, je regarderais la
choſe comme toute ſimple, à plus forte raiſon
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