duite, & dont les titres, quelque pompeux qu’ils
ſoient, ne ſe trouvent que dans les archives de
Cythere, forgés par l’impertinence qui les prend,
& ſoutenus par la ſotte crédulité qui les donne ;
brune, une belle taille, des yeux d’une ſinguliere
expreſſion ; cette incrédulité de mode, qui, prêtant
un ſel de plus aux paſſions, fait rechercher avec
plus de ſoin les femmes en qui on la ſoupçonne ;
un peu méchante, aucuns principes, ne croyant de
mal à rien, & cependant pas aſſez de dépravation
dans le cœur, pour en avoir éteint la ſenſibilité ;
orgueilleuſe, libertine ; telle étoit Madame de
Lorſange,
Cette femme avoit reçu néanmoins la meilleure éducation ; fille d’un trés-gros Banquier de Paris, elle avoit été élevée avec une ſœur nommée Juſtine, plus jeune qu’elle de trois ans, dans une des plus célébres Abbayes de cette capitale, où jusqu’à l’âge de douze & de quinze ans, aucuns conseils, aucuns maîtres, aucuns livres, aucuns talens n’avaient été refuſés ni à l’une ni à l’autre de ces deux ſœurs.
À cette époque fatale pour la vertu de deux jeunes filles, tout leur manqua dans un seul jour : une banqueroute affreuſe précipita leur pere dans une ſituation ſi cruelle, qu’il en périt de chagrin. Sa femme le ſuivit un mois après au tombeau. Deux parens froids & éloignés délibérerent ſur ce qu’ils feraient des jeunes orphelines ; leur part