Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/183

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uniquement conſacrés à la Religion… Éloignées de cette ſociété pernicieuſe où le crime veillant ſans ceſſe autour de l’innocence, la dégrade & l’anéantit… ah ! toutes les vertus doivent habiter là, j’en ſuis ſûre, & quand les crimes de l’homme les exilent de deſſus la terre, c’eſt là, c’eſt dans cette retraite ſolitaire qu’elles vont s’enſevelir au ſein des êtres fortunés qui les chériſſent & les cultivent chaque jour.

J’étais anéantie dans ces penſées lorſqu’une fille de mon age gardant des moutons ſur ce plateau, s’offrit tout-à-coup à ma vue ; je l’interroge ſur cette habitation, elle me dit que ce que je vois eſt un Couvent de Bénédictins, occupé par quatre ſolitaires dont rien n’égale la Religion, la continence & la ſobriété. On y va, me dit cette fille, une fois par an en pélerinage près d’une Vierge miraculeuſe, dont les gens pieux obtiennent tout ce qu’ils veulent. Singuliérement émue du déſir d’aller auſſitôt implorer quelques ſecours aux pieds de cette ſainte Mere de Dieu, je demande à cette fille ſi elle veut y venir prier avec moi, elle me répond que cela lui eſt impoſſible, que ſa mere l’attend ; mais que la route eſt aiſée. Elle me l’indique, elle m’aſſure que le Supérieur de cette maiſon, le plus reſpectable & le plus ſaint des hommes, me recevra parfaitement bien, & m’offrira tous les ſecours qui pourront m’être néceſſaires ; on le nomme Dom Sévérino,

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