Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/249

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ſoit aux conventions ſociales. Eh, quoi ! Les hommes ne comprendront jamais qu’il n’eſt aucune ſorte de goûts, quelque bizarres, quelque criminels même qu’on puiſſe les ſuppoſer, qui ne dépende de la ſorte d’organiſation que nous avons reçue de la Nature ! Cela poſé, je le demande, de quel droit un homme oſera-t-il exiger d’un autre ou de réformer ſes goûts, ou de les modeler ſur l’ordre ſocial ? De quel droit même les loix qui ne ſont faites que pour le bonheur de l’homme, oſeront-elles ſévir contre celui qui ne peut ſe corriger, ou qui n’y parviendrait qu’aux dépens de ce bonheur que doivent lui conſerver les loix ? Mais déſirât-on même de changer de goûts, le peut-on ? Eſt-il en nous de nous refaire ? Pouvons-nous devenir autres que nous ne ſommes ? L’exigeriez-vous d’un homme contrefait, & cette inconformité de nos goûts eſt-elle autre choſe au moral, que ne l’eſt au phyſique l’imperfection de l’homme contrefait.

Entrons dans quelques détails, j’y conſens ; l’eſprit que je te reconnais, Théreſe, te met à portée de les entendre. Deux irrégularités, je le vois, t’ont déjà frappée parmi nous ; tu t’étonnes de la ſenſation piquante éprouvée par quelques-uns de nos confrères pour des choſes vulgairement reconnues pour fétides ou impures, & tu te ſurprends de même que nos facultés voluptueuſes puiſſent être ébranlées par des actions qui, ſelon