Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/25

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deſquels ſa jeuneſſe & ſon inexpérience la jetterent.

En ſortant du Couvent, Juliette alla trouver une femme qu’elle avait entendu nommer à cette jeune amie de ſon voiſinage ; pervertie comme elle avait envie de l’être & pervertie par cette femme, elle l’aborde avec ſon petit paquet ſous le bras, une lévite bleue bien en déſordre, des cheveux traînans, la plus jolie figure du monde, s’il eſt vrai qu’à de certains yeux l’indécence puiſſe avoir des charmes ; elle conte ſon hiſtoire à cette femme, & la ſupplie de la protéger comme elle a fait de ſon ancienne amie. — Quel âge avez-vous, lui demande la Duvergier ? — Quinze ans dans quelques jours, Madame, répondit Juliette… — Et jamais nul mortel, continua la matrone… — Oh ! non, Madame, je vous le jure, répliqua Juliette. — Mais c’eſt que quelquefois dans ces couvens, dit la vieille… un Confeſſeur, une Religieuſe, une Camarade… il me faut des preuves ſures. — Il ne tient qu’à vous de vous les procurer, Madame, répondit Juliette en rougiſſant… — Et la Duegne s’étant affublée d’une paire de lunettes, & ayant avec ſcrupule viſité les choſes de toutes parts, allons, dit-elle à la jeune fille, vous n’avez qu’à reſter ici, beaucoup d’égards pour mes conſeils un grand fonds de complaiſance & de ſoumiſſion pour mes pratiques, de la propreté, de l’économie, de la candeur vis-à-vis de moi, de la politique