gies ordinaires. J’y aperçus beaucoup de lumiere ;
je fus aſſez hardie pour m’en approcher, par ma
poſition je plongeais. Ma malheureuſe compagne
était étendue ſur un chevalet, les cheveux épars
& deſtinée ſans doute à quelqu’effrayant ſupplice
où elle allait trouver, pour liberté, l’éternelle
fin de ſes malheurs… Je frémis, mais
ce que mes regards acheverent de ſurprendre m’étonna
bientôt davantage : Omphale, ou n’avait pas
tout ſçu, ou n’avait pas tout dit ; j’aperçus quatre
filles nues dans ce ſouterrain, qui me parurent
fort-belles & fort-jeunes, & qui certainement
n’étaient pas des nôtres ; il y avait donc dans
cet affreux aſyle d’autres victimes de la lubricité
de ces monſtres… d’autres malheureuſes inconnues
de nous… Je me hâtai de fuir, & continuai
de tourner juſqu’à ce que je fuſſe à l’oppoſé
du ſouterrain : n’ayant pas encore trouvé de bréche,
je réſolus d’en faire une ; je m’étais, ſans
qu’on s’en fût aperçu, munie d’un long couteau ;
je travaillai ; malgré mes gands, mes mains furent
bientôt déchirées, rien ne m’arrêta ; la haie avait
plus de deux pieds d’épaiſſeur, je l’entr’ouvris, &
me voilà dans la ſeconde allée ; là, je fus étonnée
de ne ſentir à mes pieds qu’une terre molle &
flexible dans laquelle j’enfonçais juſqu’à la cheville :
plus j’avançais dans ces taillis fourrés, plus
l’obſcurité devenait profonde. Curieuſe de ſavoir
d’où provenait le changement du ſol, je tâte avec
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