portée depuis cette époque. Avec une ſujétion
ſemblable vous ſentez bien que je ne puis ni la
laiſſer ſortir, ni la laiſſer voir à perſonne. Je la
fais donc paſſer pour folle, & ſa mere, ſeule
parente qui lui reſte, demeurant dans ſon château
à ſix lieues d’ici, en eſt tellement convaincue,
qu’elle n’oſe pas même la venir voir.
La Comteſſe implore bien ſouvent ſa grace, il
n’eſt rien qu’elle ne faſſe pour m’attendrir ; mais
elle n’y réuſſira jamais. Ma luxure a dicté ſon
arrêt, il eſt invariable, elle ira de cette manière
tant qu’elle pourra : rien ne lui manquera
pendant ſa vie, & comme j’aime à l’épuiſer,
je la ſoutiendrai le plus long-tems poſſible ;
quand elle n’y pourra plus tenir, à la bonne-heure.
C’eſt ma quatrième ; j’en aurai bientôt
une cinquième, rien ne m’inquiette auſſi peu que
le ſort d’une femme ; il y en a tant dans le monde,
& il eſt ſi doux d’en changer.
Quoi qu’il en ſoit, Thérese, votre emploi eſt de la ſoigner : elle perd régulierement deux palettes de ſang tous les quatre jours, elle ne s’évanouit plus maintenant ; l’habitude lui prête des forces, ſon épuiſement dure vingt-quatre heures, elle eſt bien les trois autres jours. Mais vous comprenez facilement que cette vie lui déplaît, il n’y a rien qu’elle ne faſſe pour s’en délivrer, rien qu’elle n’entreprenne pour faire ſavoir ſon véritable état à ſa mere : elle a déjà ſéduit