Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/374

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des coins de la voûte ; du ceintre partait une longue corde qui tombait à huit ou dix pieds de terre au milieu de ce cachot, & qui, comme vous allez bientôt le voir, n’était là que pour ſervir à d’affreuſes expéditions : à droite était un cercueil qu’entr’ouvrait le ſpectre de la mort armé d’une faulx menaçante ; un prie-dieu était à côté ; on voyait un crucifix au-deſſus, placé entre deux cierges noirs ; à gauche l’effigie en cire d’une femme nue, ſi naturelle que j’en fus long-temps la dupe ; elle était attachée à une croix, elle y était poſée ſur la poitrine, de façon qu’on voyait amplement toutes ſes parties poſtérieures, mais cruellement moleſtées ; le ſang paraiſſait ſortir de pluſieurs plaies, & couler le long de ſes cuiſſes ; elle avait les plus beaux cheveux du monde, ſa belle tête était tournée vers nous, & ſemblait implorer ſa grâce : on diſtinguait toutes les contorſions de la douleur imprimées ſur ſon beau viſage, & juſqu’aux larmes qui l’inondaient : à l’aſpect de cette terrible image, je penſai perdre une ſeconde fois mes forces ; le fond du caveau était occupé par un vaſte canapé noir, duquel ſe développaient aux regards toutes les atrocités de ce lugubre lieu.

Voilà où vous périrez, Théreſe, me dit Roland, ſi vous concevez jamais la fatale idée de quitter ma maiſon ; oui, c’eſt ici que je viendrai moi-même vous donner la mort, que je vous