Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/380

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ſûre que ta volupté m’inquiéte infiniment moins que la mienne dans ce que j’entreprends avec toi, & cette volupté que je recherche a été ſi vive, que je vais m’en procurer encore les inſtans.

C’eſt de toi maintenant, Théreſe, me dit cet inſigne libertin, c’eſt de toi ſeule que tes jours vont dépendre. Il paſſe alors autour de mon cou, cette corde qui pendait au plafond ; dès qu’elle y eſt fortement arrêtée, il lie au tabouret ſur lequel je poſais les pieds & qui m’avait élevée juſques-là, une ficelle dont il tient le bout, & va ſe placer ſur un fauteuil en face de moi : dans mes mains eſt une ſerpe tranchante dont je dois me ſervir pour couper la corde au moment où par le moyen de la ficelle qu’il tient, il fera trébucher le tabouret ſous mes pieds. — Tu le vois, Théreſe, me dit-il alors, ſi tu manques ton coup, je ne manquerai pas le mien ; je n’ai donc pas tort de te dire que tes jours dépendent de toi. Il s’excite ; c’eſt au moment de l’on ivreſſe qu’il doit tirer le tabouret dont la fuite me laiſſe pendue au plafond ; il fait tout ce qu’il peut pour feindre cet inſtant ; il ſerait aux nues, ſi je manquais d’adreſſe ; mais il a beau faire, je le devine, la violence de ſon extaſe le trahit, je lui vois faire le fatal mouvement, le tabouret s’échappe, je coupe la corde, & tombe à terre ; entièrement dégagée, là, quoiqu’à plus de douze pieds de lui, le croiriez-vous, Madame, je ſens tout mon corps