Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
( 92 )


dans des réflexions qui, comme vous croyez bien, n’étaient pas à ſon avantage.

Il y avait ſix mois que j’étais dans cette maiſon ſervant de temps en temps aux inſignes débauches de ce ſcélérat, lorſque je le vis entrer un ſoir dans ma priſon avec Suzanne. — Viens, Théreſe, me dit-il, il y a long-temps, ce me ſemble, que je ne t’ai fait deſcendre dans ce caveau qui t’a tant effrayée, ſuivez-y-moi toutes les deux, mais ne vous attendez pas à remonter de même, il faut abſolument que j’en laiſſe une, nous verrons ſur laquelle tombera le ſort ; je me leve, je jette des yeux alarmés ſur ma compagne, je vois des pleurs rouler dans les ſiens,… nous marchons.

Dès que nous fumes enfermées dans le ſouterrain, Roland nous examina toutes deux avec des yeux féroces, il ſe plaiſait à nous redire notre arrêt, & à nous bien convaincre l’une & l’autre qu’il en reſterait aſſurément une des deux. — Allons, dit-il en s’aſſeyant, & nous faiſant tenir droites devant lui, travaillez chacune à votre tour au déſenchantement de ce perclus, & malheur à celle qui lui rendra ſon énergie. — C’eſt une injuſtice, dit Suzanne, celle qui vous irritera le mieux doit être celle qui doit obtenir ſa grâce. — Point du tout, dit Roland, dès qu’il ſera prouvé que c’eſt elle qui m’enflamme le mieux, il devient conſtant que c’eſt elle dont la mort me donnera le plus de plaiſir… & je ne viſe qu’au