Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/39

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ſi vous l’aimez mieux, comme ces végétaux paraſites qui, ſe liant aux bonnes plantes, les détériorent & les rongent en s’adaptant leur ſemence nourriciere. Abus crians que ces aumônes deſtinées à nourrir une telle écume, que ces maiſons richement dotées qu’on a l’extravagance de leur bâtir, comme ſi l’eſpece des hommes était tellement rare, tellement précieuſe qu’il fallût en conſerver juſqu’à la plus vile portion. Mais laiſſons une politique où tu ne dois rien comprendre, mon enfant ; pourquoi ſe plaindre de ſon ſort, quand il ne tient qu’à ſoi d’y remèdier ? — À quel prix, juſte ciel ! — À celui d’une chimere, d’une choſe qui n’a de valeur que celle que ton orgueil y met. Au reſte, continue ce barbare, en ſe levant & ouvrant la porte, voilà tout ce que je puis pour vous ; conſentez-y, ou délivrez-moi de votre préſence ; je n’aime pas les mendians… — Mes larmes coulerent, il me fut impoſſible de les retenir ; le croirez-vous, Madame, elles irriterent cet homme au lieu de l’attendrir. Il referme la porte & me ſaiſiſſant par le colet de ma robe, il me dit avec brutalité qu’il va me faire faire de force ce que je ne veux pas lui accorder de bon gré. En cet inſtant cruel mon malheur me prête du courage ; je me débarraſſe de ſes mains, & m’élançant vers la porte : homme odieux, lui dis-je en m’échappant, puiſſe le Ciel auſſi griévement offenſé par toi, te punir un jour, comme tu

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