mes à la vertu ; trop prévaricatrices pour l’entreprendre,
trop inſuffiſantes pour y réuſſir, elles
écarteront un inſtant du chemin battu, mais
elles ne le feront jamais quitter. Quand l’intérêt
général des hommes les portera à la corruption,
celui qui ne voudra pas ſe corrompre avec eux,
luttera donc contre l’intérêt général ; or, quel bonheur
peut attendre celui qui contrarie perpétuellement
l’intérêt des autres ? Me diras-tu que c’eſt le
vice qui contrarie l’intérêt des hommes ? Je te l’accorderais
dans un monde compoſé d’une égale partie
de bons & de méchants, parce qu’alors l’intérêt
des uns choque viſiblement celui des autres ; mais ce
n’eſt plus cela dans une ſociété toute corrompue ;
mes vices alors, n’outrageant que le vicieux, déterminent
dans lui d’autres vices qui le dédommagent,
& nous nous trouvons tous les deux heureux. La
vibration devient générale ; c’eſt une multitude
de chocs & de léſions mutuelles où chacun regagnant
auſſitôt ce qu’il vient de perdre, ſe retrouve
ſans ceſſe dans une poſition heureuſe. Le
vice n’eſt dangereux qu’à la Vertu qui, faible
& timide, n’oſe jamais rien entreprendre ; mais
quand elle n’exiſte plus ſur la terre, quand ſon
faſtidieux règne eſt fini, le vice alors n’outrageant
plus que le vicieux, fera éclore d’autres
vices, mais n’altérera plus de vertus. Comment
n’aurais-tu pas échoué mille fois dans ta vie,
Théreſe, en prenant ſans ceſſe à contre-ſens la
Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/409
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 113 )
Tome II.
H