Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/447

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nue n’excita que des rires ; on m’aſſura que je n’étais pas ſeule, qu’on était ſûr que j’avais des complices auxquels j’avais remis les ſommes volées, en me ſauvant. Alors la méchante Dubois qui connaiſſait la flétriſſure que j’avais eu le malheur de recevoir autrefois chez Rodin, contrefit un inſtant la commiſération. Monſieur, dit-elle à l’Exempt, on commet chaque jour tant d’erreurs ſur toutes ces choſes-ci, que vous me pardonnerez l’idée qui me vient : ſi cette fille eſt coupable de l’action dont on l’accuſe, aſſurément ce n’eſt pas ſon premier forfait ; on ne parvient pas en un jour à des délits de cette nature : viſitez cette fille, Monſieur, je vous en prie… ſi par haſard vous trouviez ſur ſon malheureux corps… mais ſi rien ne l’accuſe, permettez-moi de la défendre & de la protéger. L’Exempt conſentit à la vérification… elle allait ſe faire… un moment, Monſieur, dis-je en m’y oppoſant, cette recherche eſt inutile ; Madame ſait bien que j’ai cette affreuſe marque ; elle ſait bien auſſi quel malheur en eſt la cauſe : ce ſubterfuge de ſa part eſt un ſurcroît d’horreurs qui ſe dévoileront, ainſi que le reſte, au temple même de Thémis. Conduiſez-y-moi, Meſſieurs : voilà mes mains, couvrez-les de chaînes ; le Crime ſeul rougit de les porter, la Vertu malheureuſe en gémit, & ne s’en effraie pas. — En vérité, je n’aurais pas cru, dit la Dubois, que mon idée eût un tel ſuccès ; mais comme

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