Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/450

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la perſonne à laquelle j’étais recommandée, & qui ſe trouvait maintenant mon accuſatrice. Le Moine m’écouta très-attentivement. — Théreſe, me dit-il enſuite, ne t’emportes pas à ton ordinaire, ſitôt qu’on enfreint tes maudits préjugés ; tu vois où ils t’ont conduite, & tu peux facilement te convaincre à préſent qu’il vaut cent fois mieux être coquine & heureuſe, que ſage & dans l’infortune ; ton affaire eſt auſſi mauvaiſe qu’elle peut l’être, chere fille, il eſt inutile de te le déguiſer : cette Dubois dont tu me parles ayant le plus grand intérêt à ta perte y travaillera ſûrement ſous main ; la Bertrand pourſuivra, toutes les apparences ſont contre toi, & il ne faut que des apparences aujourd’hui pour faire condamner à la mort : tu es donc une fille perdue, cela eſt clair ; un ſeul moyen peut te ſauver ; je ſuis bien avec l’intendant, il peut beaucoup ſur les juges de cette ville ; je vais lui dire que tu es ma niece, & te réclamer à ce titre : il anéantira toute la procédure : je demanderai à te renvoyer dans ma famille ; je te ferai enlever, mais ce ſera pour t’enfermer dans notre couvent d’où tu ne ſortiras de ta vie… & là, je ne te le cache pas, Théreſe, eſclave aſſervie de mes caprices, tu les aſſouviras tous ſans réflexion ; tu te livreras de même à ceux de mes confreres : tu ſeras en un mot à moi comme la plus ſoumiſe des victimes… tu m’entends ; la beſogne eſt rude ; tu