Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/486

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» reux qu’elles ont ébloui. En voilà l’exemple ſous nos yeux ; les calamités incroyables, les revers effrayans & ſans interruption, de cette fille charmante, ſont un avertiſſement que l’Éternel me donne d’écouter la voix de mes remords & de me jetter enfin dans ſes bras. Quelle punition dois-je craindre de lui, moi, dont le libertinage, l’irréligion, & l’abandon de tous principes ont marqué chaque inſtant de la vie. À quoi dois-je m’attendre, puiſque c’eſt ainſi qu’eſt traitée celle qui n’eut pas de ſes jours une ſeule erreur véritable à ſe reprocher. Séparons-nous, Corville, il en eſt temps, aucune chaîne ne nous lie, oubliez-moi, & trouvez bon que j’aille par un repentir éternel abjurer aux pieds de l’Être ſuprême, les infamies dont je me ſuis ſouillée. Ce coup affreux était néceſſaire à ma converſion dans cette vie, il l’était au bonheur que j’oſe eſpérer dans l’autre. Adieu, Monſieur ; la derniere marque que j’attends de votre amitié eſt de ne faire aucune ſorte de perquiſitions, pour ſavoir ce que je ſuis devenue. Ô Corville ! je vous attends dans un monde meilleur, vos vertus doivent vous y conduire ; puiſſent les macérations où je vais, pour expier mes crimes, paſſer les malheureuſes années qui me reſtent, me permettre de vous y revoir un jour ».

Madame de Lorſange quitte auſſitôt la maiſon :