Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/70

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c’eſt que l’hommage ne l’offenſe pas ; les refus de produire, les pertes de la ſemence qui ſert à la production, l’extinction de cette ſemence, quand elle a germé, l’anéantiſſement de ce germe long-temps même après ſa formation, tout cela, Théreſe, ſont des crimes imaginaires qui n’intéreſſent en rien la Nature, & dont elle ſe joue comme de toutes nos autres inſtitutions qui l’outragent ſouvent au lieu de la ſervir.

Cœur-de-fer s’échauffait en expoſant ſes perfides maximes, & je le vis bientôt dans l’état où il m’avait ſi fort effrayée la veille ; il voulut pour donner plus d’empire à la leçon, joindre auſſitôt la pratique au précepte ; & ſes mains, malgré mes réſiſtances, s’égaraient vers l’autel où le traître voulait pénétrer… Faut-il vous l’avouer, Madame, aveuglée par les ſéductions de ce vilain homme ; contente, en cédant un peu, de ſauver ce qui ſemblait le plus eſſentiel ; ne réfléchiſſant ni aux inconſéquences de ses ſophiſmes, ni à ce que j’allais riſquer moi-même, puiſque ce malhonnête homme poſſédant des proportions giganteſques, n’était pas même en poſſibilité de voir une femme au lieu le plus permis, & que conduit par ſa méchanceté naturelle, il n’avait aſſurément point d’autre but que de m’eſtropier ; les yeux faſcinés ſur tout cela, dis-je, j’allais m’abandonner, & par vertu devenir criminelle ; mes réſiſtances faibliſſaient ; déjà maître du trône, cet inſolent