Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/88

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moi. — Monſieur, lui dis-je, ſi réellement mon procédé n’eſt pas ſans mérite à vos yeux, je ne vous demande pour toute récompenſe que de me conduire avec vous à Lyon, & de m’y placer dans quelque maiſon honnête, où ma pudeur n’ait plus à ſouffrir. — Vous ne ſauriez mieux faire, me dit Saint-Florent, & perſonne n’eſt plus en état que moi de vous rendre ce ſervice ; j’ai vingt parens dans cette ville ; & le jeune Négociant me pria de lui raconter alors les raiſons qui m’engageaient à m’éloigner de Paris où je lui avais dit que j’étais née. Je le fis avec autant de confiance que d’ingénuité. Oh ! ſi ce n’eſt que cela, dit le jeune homme, je pourrai vous être utile avant d’être à Lyon ; ne craignez rien, Thérèſe, votre affaire eſt aſſoupie ; on ne vous recherchera point & moins qu’ailleurs aſſurément dans l’aſyle où je veux vous placer. J’ai une parente auprès de Bondi, elle habite une campagne charmante dans ces environs, elle ſe fera, j’en ſuis sûr, un plaiſir de vous avoir près d’elle ; je vous y préſente demain. Remplie de reconnaiſſance à mon tour, j’accepte un projet qui me convient autant ; nous nous repoſons le reſte du jour à Luzarches, & le lendemain nous nous propoſames de gagner Bondi, qui n’eſt qu’à ſix lieues de là. Il fait beau, me dit Saint-Florent, ſi vous me croyez, Théreſe, nous nous rendrons à pied au Château de ma parente, nous y raconterons notre aventure, & cette manière d’ar-