Page:Sade - L’Œuvre, éd. Apollinaire, 1909.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
L’ŒUVRE DU MARQUIS DE SADE

Il allait assidûment aux séances de la Société populaire de sa section, la section des Piques. Il en fut souvent le porte-parole. Le marquis de Sade était un vrai républicain, admirateur de Marat, mais ennemi de la peine de mort et ayant en politique des idées qui lui appartenaient. Il a exposé ses théories dans plusieurs de ses ouvrages. Dans son Idée sur le mode de la sanction des lois, il indique comment il entend que la loi, proposée par les députés, soit votée par le peuple, parce qu’il faut admettre « à la sanction des lois cette partie du peuple la plus maltraitée du sort, et puisque c’est elle que la loi frappe le plus souvent, c’est donc à elle à choisir la loi dont elle consent à être frappée ». Sa conduite sous la Terreur fut humaine et bienfaisante ; suspect, sans doute à cause de ses déclamations contre la peine de mort, il fut arrêté le 6 décembre 1793, mais remis en liberté, grâce au député Rovère, en octobre 1794.

Pendant le Directoire, le marquis cessa de s’occuper de politique. Il recevait beaucoup de monde chez lui, rue du Pot-de-Fer-Saint-Sulpice, où il s’était transporté. Une femme pâle, mélancolique et distinguée remplissait l’office de maîtresse de maison. Le marquis l’appelait parfois sa Justine, et on la disait fille d’un émigré. M. d’Alméras pense que cette femme était la Constance à laquelle Justine avait été dédiée. Quoi qu’il en soit, les renseignements sur cette amie font complètement défaut.

Au mois de juillet 1800, le marquis fit paraître Zoloé et ses deux acolytes, roman à clef qui provoqua un énorme scandale. On y reconnaissait le Premier Consul (d’Orsec, anagramme de Corse), Joséphine (Zoloé), Mme Tallien (Laureda), Mme Visconti (Voslange), Barras (Sabar), Tallien (Fessinol), etc… Le marquis avait été obligé de l’éditer lui-même. Son arrestation fut décidée le 5 mars 1801 ; il fut arrêté chez son éditeur, Bertrandet, à qui il devait remettre un manuscrit remanié de Juliette qui servit de prétexte à cette arrestation. Il fut enfermé à Sainte-Pélagie, de là transféré à l’hôpital de Bicêtre, comme fou, et enfin enfermé à l’hospice de Charenton le 27 avril 1803. Il y mourut, à l’âge de soixante-quinze ans, le 2 décembre 1814, ayant passé vingt-sept années, dont quatorze de son âge mûr, dans onze prisons différentes.